Monuments men, monumental gachis

Suffit-il d’accumuler les stars pour faire un bon film ? Certains y arrivent pourtant comme dans l’exquis Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, véritable gâteau à la crème viennois, sucré et délectable. D’autres s’en sortent beaucoup moins bien, c’est le cas de Monuments Men, le dernier film de George Clooney.
L’histoire (vraie) de Monuments men est à la base plutôt intéressante. En pleine Seconde Guerre mondiale, sept hommes qui sont tout sauf des soldats – des directeurs et des conservateurs de musées, des artistes, des architectes, et des historiens d’art – se jettent au cœur du conflit pour aller sauver des œuvres d’art volées par les nazis et les restituer à leurs propriétaires légitimes. Le pitch donne plutôt envie.

Mais c’est tout de même absurde qu’un film qui traite de l’amour que porte un groupe d’individu à l’art, se moque autant de l’art cinématographique en se contentant d’aligner une brochette d’acteurs bankable et de s’en contenter.
Je n’en peux plus. Désolée pour George et sa troupe mais le film va prendre pour lui, mais aussi pour tous les autres pseudos films sans saveur qu’on nous sert de plus en plus dans les salles obscures (et bientot obscurantistes…).
Entre les films où l’on ne met même plus le nom du réalisateur mais « par le producteur de toto », sous entendu, le gars qui a mis l’argent pour faire tel film… depuis quand présente t-on une oeuvre artistique par le mec qui a mis l’argent? Genre t’as aimé Godzilla et camping 3 ? ben là c’est l’argent du même type qui financé le film. Entre ça et les films où on te met juste le nom des acteurs sur l’affiche, sous entendu, « C’est des stars, DONC le film est top »… Tout cela est hélas concentré dans un seul film : Monuments Men.

Monuments men : film d’action? film historique ? comédie? Rien du tout?

A force de jongler entre le film d’action, le film historique et la comédie, Monuments men en devient ennuyeux et très prévisible. On arrive quelque part, on trouve tout tout de suite, et puis tiens on tombe sur les réserves d’or du 3ème reich. Les gentils américains, la main sur le coeur d’un coté, les méchants allemands et russes de l’autre, ce sont les codes binaires du film hollywoodien, l’histoire pour les nuls.
Quand on regarde un film, on ne cherche pas la simplification comme s’il s’agissait d’un cours d’histoire de CM1, on cherche au contraire la complexité des personnages, des relations, l’ambivalence, l’hypocrisie, les détails pas toujours glorieux d’une réalité probablement très loin d’être aussi fluide.
Résultat, on n’y croit pas, on ne rit pas, on n’apprend quasiment rien, on ne s’attache pas, et on est soulagés quand le film est terminé.

Monuments men, ou comment engager une multitude d’acteurs pour en faire pas grand chose

Dans ce film, ça n’est pas la qualité mais la quantité qui prime. Hollywood ne s’embête plus à écrire des histoires ou à construire des personnages : on additionne les noms d’acteurs connus, ça suffit pour attirer les foules. Clooney est un multirécidiviste de cette recette déjà employée dans Ocean’s 11/12/13.
On imagine bien ce qui est passé dans la tête de George:
– « Tournes ça à Paris, c’est joli et ça fait réver les gens, puis prends surtout pas une actrice française pour jouer le rôle de Claire Simone, elles ne sont pas assez connues pour ça. Bon s’il n’y a plus de français, crée un rôle fictif (il n’était pas dans la véritable histoire) et mets l’acteur qui a eu l’oscar là, le gars qui ressemble à clarck Gable… Jean lejardin voilà, il est connu aux US et surement qu’en France aussi, ça fera des entrées. »
– « Mais Georges, si on met un Français, les Anglais vont être jaloux, les alliés tout ça… « 
– « Bon Ok, mets moi un rosbeef mais (attention spoiler) fais le crever rapidement, et puis the artist aussi, mais c’est tout, y’a trop d’étrangers sinon, c’est nous les Américains qui gagnons à la fin, on ne partage pas la gloire. Pis mets moi les russes dans les méchants aussi, faut pas destabiliser le spectateur moyen : genre ils cherchent les oeuvres d’art aussi mais eux c’est pour récupérer la matière première ou faire du papier toilette avec les tableaux. »

C’est bien tenté, mais c’est loupé George. On s’ennuie ferme.
Et puis surtout, George, Bill Murray mérite un meilleur rôle que ça!! Le grand Steve Zissou, le magnifique héros du jour de la marmotte est sous exploité dans ce film. Cet immense acteur mérite tellement mieux que ce second rôle que l’on voit à peine.

 Monuments men, un film loupé?

Une bonne histoire de base et des acteurs connus ne font hélas pas un bon film d’action ou historique. Ce film est en quelque sorte l’apogée du cinéma-produit : le cinéma grand public ne fait même plus semblant de se creuser les méninges ou d’adopter une posture artistique à l’origine même de ce qui est (rappelons-le) un art, plus précisement le 7ème. Non là, nous serions plutot au niveau des 7 plaies d’Egypte ou des 7 nains et plus précisemment de du nain dormeur, paresseux à souhait : colles des noms de stars sur l’affiche, ça fera venir du monde. Le scénario? pas le temps. Les dialogues et les personnages? Plus le budget (ça coute cher Matt Damon et Cate Blanchett).
Au final, tout ça ne fait pas de ce film un nanar non plus. A coup de millions et de bons acteurs, le résultat n’est pas aussi indigent qu’un téléfilm de TF1, on est simplement déçu car la promesse faite par le pitch et la brochette d’acteurs qui hélas n’est pas tenue. Le potentiel n’est pas exploité, mais ça se regarde quand même d’un oeil le dimanche soir.